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Dans le Yoga et l’Ayurveda, les hanches occupent une place symbolique puissante, représentant à la fois un centre d’énergie émotionnelle et un espace où le physique touche au spirituel. Ce siège des énergies subtiles peut être le lieu de tensions accumulées. Sa conscientisation et sa mise en mouvement sont essentiels pour harmoniser le corps, libérer les émotions et soutenir le déploiement de soi. En plongeant dans certains concepts clés, nous comprenons mieux la symbolique des hanches et l’importance de leur mobilisation dans la pratique posturale.
Les Hanches et Mulādhāra Chakra : Le Centre de la Sécurité
Les hanches soutiennent le bassin, dont le plancher est le fameux périnée, directement lié au Mūlādhāra Chakra, ou Chakra racine. Ce premier centre énergétique, situé à la base de la colonne vertébrale au niveau du plancher pelvien, est associé à la stabilité, la sécurité et l’ancrage, des concepts intimement liés aux hanches et à la zone pelvienne.
« Mula » signifie « racine » en sanskrit tandis que « Dhara » fait référence à l’action de soutenir, maintenir, porter. Ce premier Chakra constitue la fondation de notre énergie vitale – Prana (dans cette zone, Prana se manifeste sous la forme de sa sous-fonction Apana). Il est le siège de notre sentiment de sécurité, de survie, et de connexion à la Terre– Prithvi.
Il est intimement relié aux structures physiques du bassin, des hanches et du périnée, ainsi qu’aux organes reproducteurs et aux glandes surrénales. Lorsque Mūlādhāra est équilibré, on se sent stable, ancré et en confiance dans la vie ; des perturbations dans cet espace peuvent engendrer des peurs, de l’insécurité ou une anxiété persistante.
Le périnée, qui soutient les organes internes, est la base physique de cette fondation énergétique. La contraction et le relâchement de cette zone interviennent constamment au gré du souffle, des inspirations et des expirations (le périnée travaille en synergie avec le diaphragme thoracique) et cela agit directement sur Mūlādhāra. Le travail plus poussé du périnée dans des pratiques comme Mula Bandha (la « ligature de la racine ») stimule Mūlādhāra Chakra.
Ce Bandha aide à contenir et diriger l’énergie vers le haut de la colonne vertébrale, favorisant ainsi une sensation de sécurité et d’ancrage. En éveillant Mūlādhāra, on crée une base solide pour l’élévation de la Kundalini, l’énergie spirituelle d’une grande puissance qui réside dans ce Chakra racine et qui monte le long de la colonne lorsqu’elle est activée.
Les postures qui activent le périnée et la région du bassin, comme Malasana (la posture de la Guirlande, ou « squat yogique ») permettent de stimuler Mūlādhāra, de stabiliser le corps et de favoriser une conscience profonde de l’ancrage. Ce travail favorise non seulement la stabilité physique, mais aussi la confiance intérieure et la sécurité émotionnelle.
Des écrits anciens comme les Yoga Sutra de Patanjali, la Hatha Yoga Pradipika, et les textes ayurvédiques tels que la Charaka Samhita et la Sushruta Samhita fournissent un cadre précieux pour comprendre ces concepts.
Dans la Shat-Chakra-Nirūpana, il est dit :
“मूलाधारं च तत्पदं सहोदरं हंसकण्ठस्थलम्।”
Mūlādhāraṁ ca tatpadaṁ sahodaraṁ haṁsakaṇṭhasthalam.
« Ce Chakra racine est le socle de notre être et la source de notre stabilité. »
Il est noté, dans la Hatha Yoga Pradīpikā :
“एतस्मिन्स्थाने कुण्डली स्थिताऽनन्तनायिका।”
Etasmin sthāne kuṇḍalī sthitā’nantanāyikā.
« En ce lieu réside la Kundalini, la puissance infinie. »
Enfin, dans la Charaka Samhita (Sutra Sthana, Chapitre 20) :
“मूलाधारं परं मूलं यत्र जीवनं संस्थितम्।”
Mūlādhāraṁ paraṁ mūlaṁ yatra jīvanaṁ saṁsthitam.
« Mūlādhāra est la grande racine où réside la vie. »
Svādhiṣṭhāna Chakra et les Hanches : Centre de la Créativité et des Émotions
Dans le système énergétique du Yoga, les hanches sont reliées au Svādhiṣṭhāna Chakra, le deuxième Chakra, qui signifie « la Demeure du Soi ».
C’est un centre énergétique crucial, lié aux hanches et à la région sacrée. Dans la Shat-Chakra-Nirūpaṇa, texte ancien décrivant les principaux Chakras, il est associé à l’élément eau (Āpas ou Jala), symbole de fluidité, d’adaptabilité et de créativité.
Ce deuxième Chakra gouverne la sensualité, les émotions et les relations. Lorsqu’il est équilibré, Svādhiṣṭhāna confère une sensation de liberté et de souplesse émotionnelle.
En cas de déséquilibre, des tensions peuvent se manifester dans les hanches, accompagnées de blocages émotionnels et d’un manque de créativité.
Les postures de yoga qui sollicitent l’ouverture des hanches, comme Baddha Koṇāsana (posture de l’Angle lié) et Kapotāsana (posture du Pigeon), favorisent la libération de l’énergie stagnante et des émotions refoulées. En pratiquant ces Asanas, on peut renforcer Svādhiṣṭhāna, libérant ainsi des tensions physiques et émotionnelles, et encourager une expression plus libre de soi.
Dans le Tantra, Svādhiṣṭhāna est vu comme un centre de transformation intérieure. En cultivant une pratique équilibrée, on peut sublimer les désirs matériels et avancer dans une voie spirituelle, permettant de vivre en harmonie avec ses émotions et son environnement.
Dans la Shat-Chakra-Nirūpana, ce Chakra est décrit comme le siège des émotions et de la créativité :
“स्वाधिष्ठानं ततो गुप्तं पङ्कजे षोडशदले भवेत्।”
Svādhiṣṭhānaṁ tato guptaṁ paṅkaje ṣoḍaśadale bhavet.
« Situé dans le lotus à seize pétales, Svādhiṣṭhāna renferme nos émotions et nos énergies créatives. »
Un autre passage de la (Chapitre 3, Verset 9) nous éclaire :
“स्वाधिष्ठानं जलस्थलं, स्थिरं भावयेत् यदा।”
Svādhiṣṭhānaṁ jalasthalaṁ, sthiraṁ bhāvayet yadā.
« Lorsque l’on stabilise Svādhiṣṭhāna, le domaine de l’eau, un sentiment de calme intérieur surgit. »
Dans la Hatha Yoga Pradīpikā (Chapitre 3, Verset 8), on lit également :
“यो यस्मिन् स्थानि तिष्ठति, तत्प्रदेशे ध्यानं कुरुते।”
Yo yasmin sthāni tiṣṭhati, tatpradeśe dhyānaṁ kurute.
« Quand on médite sur Svādhiṣṭhāna, on entre en connexion profonde avec son être émotionnel. »
Dans le Yoga Vāsiṣṭha, un autre texte védantique :
“सुखं भावयेत्, स्वं जानाति, जीवस्य स्थिरं तदा।”
Sukhaṁ bhāvayet, svaṁ jānāti, jīvasya sthiraṁ tadā.
« Cultiver Svādhiṣṭhāna, c’est éveiller le soi dans la stabilité émotionnelle. »
Ayurveda, Vāta Dosha et les Hanches : Tension et Libération
En Ayurveda, les textes fondateurs comme la Charaka Saṃhitā identifient la région pelvienne comme un siège clé de Vāta Dosha, qui gouverne le mouvement et est constitué des éléments vāyu (air) et ākāśa (éther).
Lorsqu’il est en excès, Vāta peut engendrer de la sécheresse, des douleurs articulaires, rigidités ou des blocages ainsi que des sensations de peur ou d’anxiété ou de l’instabilité émotionnelle, souvent manifestées dans le bas du corps et les hanches.
Pour rééquilibrer Vāta, la Suśruta Saṃhitā suggère des pratiques et des traitements apaisants, pour ancrer et stabiliser, notamment avec l’Abhyanga (auto-massage à l’huile chaude) et les pratiques douces de Yoga qui détendent la région pelvienne et donnent un sentiment de solidité. Des postures mobilisant les hanches, ainsi que Supta Baddha Koṇāsana (posture de l’Angle lié allongé) ou Upaviṣṭha Koṇāsana (posture de l’Angle Assis) sont intéressantes pour libérer les tensions dans cette région, apportant une sensation de calme et de stabilité.
Voilà ce que disent les textes fondateurs :
Dans la Ashtanga Hridayam :
“वायुः स्थानं मूले स्थितं भवेत्।”
Vāyuḥ sthānaṁ mūle sthitaṁ bhavet.
« Vāta trouve son siège dans les racines du corps. »
Il est écrit dans la Bhāvaprakāśa :
“वातेन सञ्चारितः स्नायुवेधः पीडायते।”
Vātena sañcāritaḥ snāyuvedhaḥ pīḍāyate.
« Lorsque Vāta est dérangé, cela peut causer des tensions dans les muscles et les articulations. »
La Sushruta Saṃhitā note :
“वातधारणे स्थाने यस्य, तं संतुल्यं कुरुते।”
Vātadhāraṇe sthāne yasya, taṁ saṁtulyaṁ kurute.
« L’équilibre de Vāta est essentiel pour libérer les tensions dans la zone pelvienne. »
Dans la Charaka Saṃhitā (Sutra Sthana, Chapitre 20) :
“वातं दण्डवत् कृच्छ्रं संनिवर्त्यते।”
Vātaṁ daṇḍavat kṛcchraṁ saṁnivartyate.
« Vāta, lorsqu’il est équilibré, soutient l’équilibre et le confort du corps. »
Les Hanches et les Granthis (Nœuds Énergétiques)
Les hanches sont aussi associées aux Granthis, ces « nœuds » énergétiques qui bloquent le flot de l’énergie vitale et la montée de la Kuṇḍalinī dans le corps.
C’est Brahma Granthi – le nœud de Brahmā, que l’on trouve au niveau de la région pelvienne et qui représente nos attachements aux désirs matériels et à notre identification corporelle.
Libérer cette zone est essentiel pour permettre à l’énergie de circuler librement vers les Chakras supérieurs, soutenant ainsi l’élévation spirituelle.
Les postures d’ouverture des hanches aident à dénouer Brahma Granthi, facilitant le lâcher-prise des attachements et des peurs liées au plan matériel. Ce travail peut favoriser une libération émotionnelle, une meilleure gestion des désirs et une connexion spirituelle plus profonde.
Dans la Hatha Yoga Pradīpikā (Chapitre 4, Verset 57), il est dit :
“ब्रह्मग्रन्थिः स्यात्स्थिरा वा योगिनां महायोगिनां हृदये स्थिताः।”
Brahmā granthiḥ syāt sthirā vā yogināṁ mahāyogināṁ hṛdaye sthitāḥ.
« Brahma Granthi, ancré dans le cœur du yogi, représente les attachements et désirs matériels. »
Un extrait de la Yoga Tattva Upanishad note :
“ग्रन्थिस्थले संयोगं शृङ्खलां विदारयते।”
Granthisthale saṁYogaṁ śṛṅkhalāṁ vidārayate.
« Libérer les Granthis, c’est briser les chaînes de l’attachement. »
Dans la Gheranda Samhita, on lit également :
“बन्धात् मुक्तेः साक्षात्कारः भवेत्।”
Bandhāt mukteḥ sākṣātkāraḥ bhavet.
« La libération des Granthis conduit à l’éveil de l’esprit. »
Enfin, dans la Hatha Yoga Pradīpikā :
“योगिनः तु मुक्तश्च भवेत् ग्रन्थिनाशने।”
Yoginaḥ tu muktaśca bhavet granthināśane.
« Lorsque les Granthis sont dissous, le yogi accède à la liberté spirituelle. »
Les postures d’ouverture des hanches en Yoga sont bien plus que de simples exercices physiques ; elles libèrent l’énergie stagnante et soulagent les tensions émotionnelles. En intégrant des postures telles que Anjaneyasana (fente basse) ou Gomukhasana (posture de la tête de vache), on libère la région pelvienne et on favorise la circulation du Prana dans tout le corps.
Comme l’indique la Hatha Yoga Pradīpikā (Chapitre 2, Verset 10) :
“प्राणस्य स्थितिं योगेन योगिनां स्यात्सर्वदा।”
Prāṇasya sthitiṁ yogena yogināṁ syātsarvadā.
« La pratique du Yoga stabilise le Prana, l’énergie vitale, chez le yogi. »
Dans la Charaka Samhita (Sutra Sthana, Chapitre 20), on souligne également :
“स्वस्थं कुर्वन्ति योगेन, प्राणं सर्वत्र गच्छति।”
Svasthaṁ kurvanti yogena, prāṇaṁ sarvatra gacchati.
« Le Yoga apporte la santé en permettant à l’énergie de circuler librement. »
La Gheranda Samhita (Chapitre 3, Verset 15) nous enseigne l’importance du Pranayama, qui est la discipline des techniques de respiration pour contenir, augmenter et diriger le Prana en soi :
“प्राणायामं सततं कुर्याद्रोगनिर्मोचनाय।”
Prāṇāyāmaṁ satataṁ kuryādroganirmocanāya.
« La pratique régulière du Pranayama élimine les maladies et purifie le corps. »
Enfin, la Shiva Samhita (Chapitre 5, Verset 12) rappelle :
“शरीरं वायुपूर्णं तु योगिनो भवति सर्वदा।”
Śarīraṁ vāyupūrṇaṁ tu yogino bhavati sarvadā.
« Le corps d’un yogi est toujours empli de l’énergie vitale par le souffle. »
La mobilité des hanches nous rappelle ainsi que progresser en Yoga signifie aussi apprendre à accueillir et relâcher les émotions, les peurs et les attachements qui peuvent entraver notre épanouissement spirituel. Cette libération énergétique favorise la paix intérieure et ouvre la voie vers une conscience plus élevée, un aspect essentiel pour toute personne qui cherche l’harmonie entre corps et esprit.
Sources
– Feuerstein, Georg. The Yoga Tradition
– Frawley, David. Yoga et Āyurveda : Autoguérison et union intérieure
– Iyengar, B.K.S. Lumière sur le Yoga
– Lad, Vasant. Āyurveda : Science de l’Auto-guérison
– Swami Satyananda Saraswati. Mūla Bandha: The Master Key
– Yoga Sūtra de Patañjali
– Haṭha Yoga Pradīpikā
– Ṣaṭ-Chakra-Nirūpaṇa
– Gheraṇḍa Saṁhitā
– Caraka Saṁhitā
– Suśruta Saṁhitā
– Śiva Saṁhitā